Les nouveaux outils de recrutement
- Law Mineral
- 13 mars 2019
- 5 min de lecture
Avec la révolution numérique, de nombreux outils, logiciels et matériels viennent enrichir les méthodes de recrutement. Ces différents outils facilitent le travail de l’employeur mais ont pour conséquence de déshumaniser les relations sociales.
Le sourcing
Définition - Le sourcing, littéralement la recherche de source, est une pratique utilisée notamment en gestion des ressources humaines afin de sélectionner des profils précis de candidats, à l'échelle interne (bases de données) et externe (candidathèques).
Influencé par le développement du numérique, le sourcing s’est transformé afin de devenir exclusivement numérique. De nombreuses bases de données agrègent des profils de candidats afin de permettre aux recruteurs de sélectionner plusieurs salariés potentiels durant une phase d’analyse. L’objectif est que cette première sélection soit la plus pertinente possible : retenir des profils recherchés et inclure des profils non pertinents au regard du travail à pourvoir.
Désormais, cette phase de sourcing passe par l’exploitation des moteurs de recherche (Google) et par la consultation de CV-thèques (LinkedIn). Depuis peu, les sites de rencontres professionnelles font également leur apparition : des employeurs et des candidats s’inscrivent, et chacun visualise des fiches de poste et de candidats. Lorsque les deux parties « matchent », alors un échange est possible afin d’envisager un entretien. En une décennie, l’étape du recrutement est passée d’une phase longue et laborieuse à une mise en relation via un « m-recrutement »[1] (recrutement mobile). Souplesse, rapidité et facilité sont les avantages de ces nouvelles méthodes, qui permettent aux entreprises d’analyser en un temps record une quantité impressionnante de profils : « Au début, les recruteurs voulaient avoir des CV à la pelle. Aujourd’hui, ils attendent un retour sur investissement car les RH sont débordées. »[2]
Une évolution positive et négative - Ces nouvelles méthodes peuvent être analysées de deux différents points de vue. Du point de vue de l’employeur, ces outils sont un gain de temps, leur travail est « prémâché » et le gain de temps de cette phase d’analyse permet un plus grand investissement sur la phase d’entretien et de recrutement à proprement parler. D’un autre côté, les candidats se voient « noyés dans la masse » et sont donc contraint d’user de différentes techniques afin de sortir du lot et se démarquer de la concurrence.
Bien qu’économe pour l’employeur en termes de temps, le sourcing n’est pas la solution parfaite, notamment du fait de sa facilité. La postulation pour un candidat étant « à portée de clic », les recruteurs sont parfois destinataires de centaines de candidatures ne correspondant manifestement pas à la fiche de poste. Il est alors nécessaire pour les entreprises de recourir à des moyens plus traditionnels afin de filtrer les réponses ou de préciser les motivations. Il n’en demeure pas moins que le cette technique de recrutement tend à se globaliser et à devenir la méthode utilisée à titre principal par les entreprises.
La robotisation du recrutement
Les « robots recruteurs » - Dans plusieurs grandes entreprises, le service de ressources humaines s’est vu doter d’un nouvel outil de recrutement : les robots recruteurs. Ces robots automatisent la phase d’analyse des lettres de motivation et des CV afin d’écarter les candidatures qui ne collent pas au profil recherché. Pour ce faire, l’outil scanne des centaines de lettres de motivations et de CV, trie les informations en différentes rubriques (compétence, expérience…) et exclut celles qui ne comportent pas certains mots clefs, et retient celles qui les contiennent. Auparavant, le recruteur aura programmé une liste de mots-clefs qui devront être présents dans la lettre de motivation du candidat, afin que sa candidature ne soit pas automatiquement écartée sans être consultée par une main humaine. Seules les candidatures comportant un certain taux de compatibilité seront donc consultées sur le fond.[3]
Cette automatisation a pour risque de refuser des candidats compétents et qualifiés pour un poste pour la seule raison qu’ils n’auraient pas mis le « bon » mot clef pour passer à l’étape suivante. Afin de lutter contre cette éventualité, certains n’hésitent pas à user d’ingéniosité afin d’abuser le robot recruteur. Ainsi, des candidats insèrent en petit caractère et en blanc sur blanc une liste de mots clefs reprenant ceux de l’annonce ainsi que certains mots pris sur des bases de données de mots clefs afin de maximiser les chances de séduire le robot. Cette ruse appelée le « spamdexing » démontre les défauts de ce système qui réduit une lettre de motivation à un « jeu », à l’heure ou cet exercice tend à s’uniformiser. Avec la multiplication des sites spécialisés dans le recrutement, fournissant des lettres de motivations « clefs en main », ces lettres tendent à toutes se ressembler et à devenir une formalité plutôt qu’un vrai exercice permettant de prouver la motivation du potentiel salarié.
Le robot conversationnel – Fin 2017, l’entreprise Marco Vasco Voyages a innové dans le monde du recrutement en lançant un robot conversationnel destiné à présélectionner les candidats à un poste. Ce robot se présente sous la forme d’un « chatbot », littéralement un robot de discussion, qui est présent sur la plate-forme de conversation Messenger de Facebook. Le « bot » pose alors automatiquement des questions au candidat, aussi bien sur son parcours que sur des sujets divers, comme des voyages ou des projets. L'objectif est de connaître au mieux les candidats tout en leur enlevant le stress du face à face ainsi que les contraintes des CV et des lettres de motivation susceptibles de rebuter certains candidats.
Cet outil n’en est pour le moment qu’à ses balbutiements, et seul l’avenir pourra dire si un tel robot permettra un gain de temps et surtout une meilleure sélection des candidats ; Et s'il sera envisageable de convertir ces robots en véritables inspecteurs de compétences, soumettant chaque salarié potentiel à des séries de tests de langue, de logique, de connaissances, pour effectuer une sélection fiable.
Conclusion – Peu à peu, les robots remplacent ou assistent les personnes physiques dans leur tâche de recrutement. Le développement du numérique est tel que les technologies permettent désormais des analyses inimaginables il y a encore quelques années. Ainsi, un professeur à l’université de Caen a réussi à développer un système de biométrie permettant de cerner un individu à partir de ses caractéristiques comportementales. Les frappes de clavier du candidat sont alors disséquées pour comprendre sa façon de penser, d’agir, et de dessiner les traits de sa personnalité.[4] Les débats éthiques font alors rage : certains pensent que l’humain est en train de déserter les prises de décisions en se mettant trop au service des robots. D’autres estiment que les robots jouent leur rôle en assistant les humains et en leur faisant gagner du temps sur des tâches jusqu’à présent chronophages et répétitives. Nul doute que le droit du travail s’adaptera à cette évolution en faisant naître des lois de l’ « éthique robotique ». Tel sera le rôle du législateur et de la doctrine afin de ne pas perdre le contrôle d’une évolution passionnante et fondamentale pour le droit du travail.
Jean-Baptiste GIGON
Avocat
[1] E. SOUFFI, « Cliquez !, vous êtes recrutés », Liaisons sociales magazine, n°151, Avril 2014, p20
[2] G. Quénaon-Hervé, directrice générale adjointe de RégionsJob
[3] J. KRASSOVSKY, « Sachez parler aux robots recruteurs », 21 Novembre 2017, Capital.fr
[4] C. Rosenberg, « Fusion et biométrie douce pour la dynamique de frappe au clavier », HAL, Décembre 2016
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