Le cinquantenaire de la loi Neuwirth
Le 19 décembre 2017 a été fêté le cinquantième anniversaire de la loi Neuwirth qui légalise et encadre le recours à des contraceptifs et notamment la contraception orale féminine.
En effet, pour des raisons d’abord religieuses puis de politique nataliste, la contraception était interdite en France jusqu’en 1967 et constituait même un délit depuis la loi du 31 juillet 1920: cette loi incrimine toute méthode anticonceptionnelle, qu’elles soient à visée abortive ou contraceptive.
Il faut attendre les années 60 pour que le mouvement pour les droits des femmes s’intensifie. Car mêmes si elles sont reconnues en tant que citoyenne depuis 1944 , elles n’obtiennent la liberté d’accéder à un emploi et à un compte bancaire sans accord de leur mari qu’en 1965.
En 1957 la première pilule contraceptive est créée aux Etats Unis et sera légalisée en 1960 en parallèle de la création du premier planning familial. En France, le « mouvement pour une maternité heureuse » est créé en 1956 et deviendra ensuite le planning familial français.
Dans ce contexte, le député Neuwirth a déposé une proposition de loi visant à abroger la loi de 1920 et à légaliser l’usage de la pilule. Cette loi fut adoptée le 28 décembre 1967 en deuxième lecture parlementaire.
Pour arriver à ce texte, le député s’est appuyé sur plusieurs études dont notamment un rapport de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) qui démontre l’inefficacité de la loi de 1920: la natalité n’a pas évolué significativement depuis son entrée en vigueur et le nombre de condamnation est infime. De plus, le texte répressif empêche la diffusion d’informations au couple et aux jeunes sur la sexualité et apparait comme un frein à la recherche.
Le député s’est aussi fait aider de personnalités multiples comme des médecins, des pharmaciens, des sociologues, des représentants religieux, des psychologues… Les sociologues ont ainsi mis en avant la nécessité d’une légalisation de la pilule contraceptive pour permettre aux femmes et aux familles en difficulté financière ou sociale de choisir de ne pas avoir d’enfant. Les classes populaires sont, en effet, les plus touchées par les conséquences parfois dramatiques des avortements clandestins. Elle sont aussi celles qui souhaitent avoir un nombre d’enfant limité néanmoins elles ne peuvent avoir accès à des contraceptifs efficaces au contraire des plus riches qui s’approvisionnent hors de France. Les médecins ont souligné que la grossesse peut dans certains cas mettre de fait en danger la mère et sur les risques pour sa santé et sa fécondité des avortements. Le même travail d’étude sera utilisé par Simon Veil pour préparer la loi de 1975 légalisant l’interruption volontaire de grossesse.
Le texte de 1967 autorise la fabrication, l’importation et la vente des contraceptifs selon les modalités de vente de médicaments. La vente est donc soumise au monopole pharmaceutique., les plannings familiaux ne peuvent ainsi pas en proposer. La publicité reste cependant interdite alors qu’elle est autorisée sous conditions pour les autres médicaments. La vente aux mineurs est néanmoins soumise au consentement préalable de leur parent ce qui limite l’efficacité de cette loi.
Cependant, un fort lobbyisme religieux retarde la prise des décrets d’application. La loi ne devient effective qu’en 1972 ! Il faut attendre, de plus, une loi du 4 décembre 1974, portée par Simone Veil ministre de la Santé, pour que la délivrance de la pilule soit qualifiée d’acte médical et puisse ainsi être remboursée par la Sécurité Sociale. Cette loi supprime aussi l’autorisation parentale pour la vente aux mineurs. Cette loi crée donc un droit réel à la contraception pour toutes les femmes sans barrière financière ni familiale. Elles sont enfin libres de choisir ou non d’avoir un enfant.
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Raphaëlle GIVAUDAN
Avocate associée
Droit médical