La caractérisation de l'homicide involontaire chez les infirmiers pour erreur dans l’administration du médicament
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Les infirmiers sont en contact permanent avec les patients et font souvent le lien entre ces derniers et les médecins. En cas de décès d’un patient, ils peuvent être poursuivis pour homicide involontaire.
Ce délit est défini à l’article 221-6 du code pénal. Il s’agit du fait « de causer, dans les conditions et selon les dispositions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui ». Les peines encourues sont trois ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende, elles sont portées à 5a et 75 000€ en cas de « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité »
Il faut donc que soient caractérisés une faute involontaire, l’infirmier n’a pas fait preuve d’une diligence suffisante au vu de l’espèce; la mort du patient (le simple comportement fautif n’est pas réprimé) et un lien de causalité. Ce lien doit être certain, à défaut, si la causalité est indirecte, l’inaction peut être fautive si la preuve d’une faute qualifiée est apportée. C’est une infraction involontaire, l’intention n’a donc pas à être rapportée.
Les infirmiers sont le plus souvent poursuivis et condamnés pour avoir administré le mauvais médicament ou s’être trompé dans le dosage.
Ainsi, l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 1er avril 2008 rappelle la responsabilité personnelle de l’infirmière qui a manqué à son obligation de sécurité entrainant directement la mort d’une patiente. L’anesthésiste est aussi poursuivi pour ne pas avoir surveillé l’infirmière comme son devoir l’impliquait. En l’espèce, l’infirmière a administré une perfusion de 500ml de sérum à 5% de glucose au lieu d’un autre produit, sans demander un complément d’infirmation au médecin prescripteur alors qu’elle ne connaissait pas la mention notée sur la prescription. Elle n’a pas non plus contrôlé le débit de la perfusion. Ainsi, même si les infirmiers doivent suivre la prescription du médecin, ils doivent vérifier qu’ils injectent le produit indiqué et demander des explications en cas de prescription incomplète ou s’ils ont un doute sur le dosage ou le produit administré. Ce sont eux qui délivrent matériellement le produit, ils sont donc responsables en cas de dommage s’ils avaient pu, en effectuant leur devoir de contrôle, l’éviter.
Dans le même sens, différents arrêts retiennent la responsabilité pénale d’infirmiers pour homicide involontaire. Ainsi, le TGI de Tours en 2012 retient cette infraction contre un infirmier qui a injecté 100mg d’un produit de chimiothérapie au lieu de 20mg en se trompant dans ses calculs de dose. De même, dans un arrêt de la Cour d’Appel de Lyon rendu le 22 avril 2009, un infirmier a injecté 10 fois la dose de morphine à un enfant de 3ans ce qui a entrainé son décès. Les juges ont retenu que l’erreur de dosage était inexcusable car il aurait du se rendre compte que la dose était disproportionnée pour un enfant, d’autant plus qu’il s’est interrogé au moment d’injecter les 5 ampoules. En cas de doute, il est nécessaire de demander confirmation au médecin ou au pharmacien hospitalier. L’infirmier s’étant déjà auparavant trompé dans ses dosages est de plus interdit d’exercice de son métier définitivement.
Il faut aussi vérifier le produit injecté et ne pas se fier à une lecture rapide de l’étiquette ou à sa place dans les rangements: les infirmiers ont un devoir nécessaire de contrôler ce qu’ils injectent. Ainsi, le tribunal correctionnel de Nancy, en 2011, a retenu coupable d’homicide involontaire l’infirmière qui a injecté à un patient greffé par perfusion du chlorure de sodium à 30% au lieu de 0,6% ce qui a entrainé sa mort. Elle a oublié de vérifié le dosage sur l’étiquette du médicament avant de l’injecter et s’est fiée à sa place dans le chariot de rangement. La culpabilité du chef de service a aussi été retenue pour le défaut d’organisation ayant entrainé cette erreur. Les juges ont statué dans le même sens concernant un arrêt de 2013 rendu par le tribunal d’Agen «hôpital de Marinade»: l’infirmière a été condamnée à 8 mois de prison avec sursis pour avoir administré un mauvais médicament n’ayant pas procédé aux vérifications nécessaires, ayant entrainé la mort d’une jeune fille. Les juges ont retenu une chaine de négligence (manque de personnel, inexpérience de l’infirmière, désordre dans le rangement, …) ce qui explique la peine de sursis.
Enfin, la responsabilité est personnelle en droit pénal. Cependant certains infirmiers peuvent être responsables pour un acte matériellement commis par d’autres s’ils avaient à charge leur surveillance ou s’ils auraient du effectuer l’acte. Cette même logique sous-tend le fait que dans les décisions étudiées précédemment, les responsabilités du médecin et/ou du pharmacien hospitalier, voire de l’établissement soient aussi retenues.
Ainsi, le tribunal correctionnel de Versailles a, en 2011, reconnu coupable de cette infraction une infirmière alors que le surdosage avait été effectué par une aide-soignante: elle n’aurait pas du laisser celle-ci le faire. En effet, un glissement des taches est interdit, sauf en cas d’urgence, ce qui n’était pas le cas en espèce. Dans le même esprit, la chambre criminelle de Cour de Cassation a approuvé une cour d’appel, le 26 juin 2001, qui retenait la culpabilité de l’infirmière de service pour une erreur commise par une élève infirmière: la substance injectée était dangereuse, elle aurait donc du vérifier qu’elle connaissait la procédure à suive et être présente lors de l’injection.
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Raphaëlle GIVAUDAN
Avocate associée
Droit médical