Ecotaxe : Une erreur qui va coûter cher !
- Law Mineral
- 16 mars 2019
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Ecotaxe : « Ma chère taxe ! »
Dans le but notamment de réduire l'impact environnemental du transport routier et de favoriser le développement du fret fluvial et ferroviaire, la loi de finances pour 2009 avait introduit une « taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises », dite « écotaxe ». Cette dernière devait s’appliquer aux poids lourds en fonction du nombre de kilomètres parcourus et devait rapporter, selon les prévisions, 1,2 milliard d’euros par an.
Afin d’assurer l’acquittement de cette taxe l’Etat avait déjà conclu un contrat de partenariat avec la société Ecomouv’ le 20 octobre 2011, cette dernière ayant elle-même conclu des contrats avec des sociétés de télépéage.
Cependant, face à la révolte populaire initiée par les « bonnets rouges », le gouvernement a décidé de faire marche arrière et a annoncé que cette taxe ne serait finalement pas payée notifiant, par un courrier en date du 30 octobre 2014 à la société Ecomouv’, sa décision de résilier ledit contrat. Cette décision résilia ainsi, de plein droit, les contrats subséquents conclus par la société Ecomouv’.
Certaines de ces sociétés ont donc saisi le juge administratif afin de faire reconnaître la faute quasi-délictuelle de l’Etat et d’obtenir une indemnisation refusée par l’Etat.
Ces sociétés invoquent la faute de l’Etat à titre principal et à titre subsidiaire la responsabilité sans faute (rupture d’égalité devant les charges publiques). L’Etat, quant à lui, se défendait en invoquant l’existence d’un motif général pour ordonner la rupture du contrat de partenariat en vertu d’une jurisprudence constante (CE, 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, Lebon 246 ; CE, ass., 2 févr. 1987, n° 81131, Société TV6, Lebon 29 ; CE 6 mai 1985, n° 41589, Association Eurolat, Crédit foncier de France, Lebon 141). Il convient de rappeler cependant qu'« un motif futur n'en est pas pour autant illégitime ; ainsi le concédant peut résilier la concession pour mettre le service en régie » ; une volonté de réforme peut constituer un motif d'intérêt général « lorsque le changement envisagé entre dans la compétence de l'autorité concédante » (concl. M. Fornacciari sur la décision Société TV6, préc.).
La jurisprudence a déjà admis que constituaient, par exemple, des motifs d'intérêt général justifiant la résiliation d'un contrat administratif la modification des besoins à satisfaire dans le cadre du service public (CE 23 mai 1962, Ministère des finances c/ Société financière d'exploitations industrielles, Lebon 342), des considérations budgétaires propres à l'autorité délégante et à l'intérêt du service public (CE 8 juill. 2005, n° 259615, Douillard), la disparition du service public (CE 22 avr. 1988, n° 86241, Société France 5 et Association des fournisseurs de la Cinq, Lebon 157), l'abandon d'un projet en raison de difficultés techniques (CE 22 janv. 1965, n° 59122, Société Etablissements Michel Aubrun, Lebon 50), la reprise en régie d'un service public qui avait été délégué (CAA Versailles, 7 oct. 2008, n° 07VE00502, Société de la Patinoire du Raincy) ou un changement de mode contractuel pour sa gestion et sa réalisation (CE 19 janv. 2011, n° 323924, Commune de Limoges, Lebon T. ; AJDA 2011. 616, note J.-D. Dreyfus).
En l'espèce, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et le secrétaire d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui ont conjointement pris la décision de résiliation du 30 octobre 2014, l'ont motivée par « des difficultés insurmontables dans la mise en œuvre de l'écotaxe, même aménagée » (sans réellement donner de précisions sur la nature de ces difficultés insurmontables), par de « vives critiques d’ordre constitutionnel » sur la passation d’un contrat de partenariat et enfin pour des considérations politiques.
Il est évident que ce dernier motif ne peut aucunement être qualifié de motif d’intérêt général. Quant au motif de l’inconstitutionnalité du recours au marché de partenariat, il n’est en rien démontré par l’Etat, et ce d’autant plus que, dans son avis du 11 décembre 2007 (n° 381058), la section des finances du Conseil d'Etat a validé le recours à un tel contrat.
Le troisième motif n’a pas plus convaincu les juges du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a reconnu le comportement fautif de l’Etat de nature à engager sa responsabilité.
Reste à évaluer l’indemnisation.
De nombreux chefs de préjudices sont invoqués par les sociétés relavant essentiellement du manque à gagner financier pendant la durée prévisible du contrat, de l’investissement pour le matériel et les systèmes informatiques nécessaires au traitement des informations et aux dépenses d’instance.
Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a finalement décidé de condamner l’Etat au versement d’une somme de 10 141 931 euros pour la première société chargée de la mise en place des badges et ordonne une expertise afin d’évaluer les dommages des autres sociétés ex-cocontractantes de l’Etat …
Marie Gautier,
Associée fondateur du cabinet Law Mineral
Droit public des Affaires
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